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Et mourir en hiver.

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Un jour, je serais maître du monde.

Il y a eu le temps où j’étais une princesse. Parfois en détresse, mais toujours sauvée. J’étais jolie, en ce temps là, et toujours entourée de princes charmeurs. Quelquefois charmants, mais j’étais vite lassée. Je m’ennuyais dans mes prisons, alors j’ai assassiné les méchants, et coupé mes cheveux très courts, comme un garçon.

Ensuite, le film a des ratés, une succession d’images brèves et informes, ses mains sur mon cou, ses mains qui brandissent des jouets, des couteaux, ses mains qui cassent les verres et celles qui claquent contre les joues. Et plus tard, il y aura celles sur mon corps. Toujours des mains. Mais jamais de celles qui consolent, construisent et savent aimer.
Seulement de celles qui détruisent.
Et, partout là-dessus, des tâches sombres, beaucoup de larmes et de cris. Mais pas grand-chose à retenir.

Depuis, ils ont eu le temps de me ré apprivoiser. De me métamorphoser en fille, ou quelque chose d’approchant. Alors oui, il m’arrive de mettre des jupes, des sourires rouges, et du noir sur mes yeux. Il arrive parfois que je m’aperçoive que je ne suis plus si plate, si informe. Il arrive que je laisse mes cheveux descendre en boucles sautillantes jusqu’au milieu de mon dos.

Il arrive même que je trouve le temps d’aimer. L’instant des tendresses, parfois des sentiments. Parfois.
Le plus souvent, j’aime sans aimer, surtout pour oublier. Surtout parce que ces instants là font que je n’ai plus froid, et parce que ma peau réclame la tendresse qu’on ne lui a jamais donnée. J’aime sans aimer, mais sans faire de mal non plus. Du moins, j’essaie. Je ne veux pas laisser d’autres larmes que les miennes, d’autres chagrins que ceux qui restent enfermés dans les creux de ma poitrine. Je préfère qu’on retienne de moi les sourires, et les instants furtifs où le reste s’efface. Parfois, aussi, je sais me laisser aimer pour être gentille. Pour servir de refuge à ceux qui en ont envie. Mais pas toujours.
J’aime pour aimer, dans un sens.
J’essaie d’aimer pour survivre à la nuit.

Parce que je ne sais plus vivre, une fois la lumière éteinte. Je n’ai pas peur du noir, non, j’ai peur des secrets qui s’y cachent. Coincée entre les draps, l’odeur de la lessive, et la mienne sur l’oreiller, je n’ai plus rien pour me cacher une fois passé minuit. Je les sens, je les entends, à côté de moi, autour, partout. Je sens le poids de leurs mains sur ma peau, la brûlure de leurs caresses, le souffle mortel qui se glisse de leurs lèvres jusqu’entre les mienne. Je les sais près de moi, à essayer de m’aimer, ou de me détruire, et chaque fois je meurs sous leur force, ils m’asphyxient, m’étouffent, m’assassinent. Je n’ose plus fermer les yeux, par peur que qu’ils se rapprochent de moi, que leurs corps se rattachent au mien. Et je hurle sans bruit, je mords mes doigts jusqu’au sang, pour ne pas crier comme ils me font mal. Chaque seconde d’obscurité est une seconde de terreur, chaque ombre leur ressemble, chaque courant d’air à leur odeur. Chaque reflet porte leurs noms. Où que j’aille, quoi que je fasse, ils me poursuivent, s’évertuent à faire de moi leur jouet. Et chaque soir, ma peau garde la trace des leurs, comme autant de blessures. Chaque fragment de moi est à vif, agonise, et chaque fois je me vois mourir, écrasée par leurs souffles, par leurs envie. Chaque fois, je voudrais me jeter sous une voiture, me trancher les veines, pour qu’ils disparaissent enfin de moi, mais j’ai même l’impression que ça ne suffirait pas. Toutes les nuits, sans regrets, sans failles, ils s’insinuent en moi, et je me débats, je me cogne la tête contre les murs, pour essayer de les faire disparaître.
Eux, ils sont tous les hommes de ma vie, tout ceux que j’aurais du aimer sans y arriver. Parfois, même, ils ont le visage des femmes, mais elles sont moins nombreuses à vouloir me défigurer.
Eux, ils sont l’étendue de mes mensonges, de mes cicatrices.
Eux, ils sont inavouables. Et pourtant, ils reviennent.

Ensuite, l’aube me délivre et les miroirs me renvoient mon image seule, saccadée, recroquevillée dans un coin. Des poches sous les yeux, le maquillage coulé. La peau sèche et fragile, les lèvres qui gardent des traces de morsure. Non, vraiment, à me regarder, personne n’oserait me demander si ça va. Quoique. Je n’ai jamais eu de problèmes, pour paraître dure. J’ai juste l’air fatiguée, peut être un peu malade. Mais pas triste, non, pas triste. Je n’ai pas d’écorchure visible, aucune, et les larmes, elles, ne s’élancent que la nuit.
Mais il est tuant de m’apercevoir que je reprends mes allures de princesse, de fillette à sauver.
Et je n’ai pas envie d’avoir besoin des autres.

Un jour, bientôt sûrement je prendrais une paire de ciseaux pour enlever toutes les boucles qui me cachent le visage. Je préfère aux images féminines mes pantalons qui balayent le plancher, et tous les pulls à capuche sous lesquels je me cache, et qui masquent les formes qui me trahissent.
Non, vraiment, je n’ai jamais cessé d’être un garçon. Je vais recommencer, à temps plein, je crois.
Et puis, les garçons ne se font pas aborder dans les trains, agresser dans les escaliers de la gare. Les garçons ne pleurent pas, ne se serrent pas dans leurs bras, n’attendent pas sur les quais des visites imprévues ou des lettres volées.
Les garçons n’ont pas besoin d’être embarrassés de leurs corps, et leurs mères en sont fières, quand ils grandissent, qu’ils s’en vont, qu’ils les aident à marcher, ou qu’ils ramènent des filles à la maison. Même quand ils frappent, elles en sont fières. Elles les voient durs, mais elles les ont connus fragiles, enfants. Elles les ont bercés, consolés, et elles sont heureuses de ce qu’elles ont donné. Ils sont grands, forts, ils traversent la vie comme des rochers auxquels ont peut se raccrocher, et plus tard ils deviendront les meilleurs pour leurs enfants.
Bien sur, ni ma mère, ni mon père, n’ont ressemblé à ce radeau d’amour qui nous maintient debout quand ça ne va pas.
Ils ont plutôt tendance à m’enfoncer la tête sous l’eau et à garder leur main dessus jusqu’à ce que je m’étouffe.
Mais c’est certainement pour cela que j’ai appris à voir l’espoir partout. Parce que je ne suis pas encore morte noyée.
Alors je dirais que les garçons sont la fierté des mères, et les filles seulement leur reflet.
Je ne veux pas de sa fierté à elle, mais je ne veux pas non plus lui ressembler. Ni à lui, d'ailleurs.

Et puis, on regarde moins les garçons de travers quand ils fument sur les trottoirs, qu’ils achètent de l’alcool dans les supermarchés, ou qu’ils passent leurs soirées à traîner dans les bars. On leur fait moins de sermons, de reproches, moins d’histoires, aussi.
Etre débauchés colle mieux à leur image qu’à la mienne. Et quand ils s’abîment, ça ne se voit pas.

Et aussi, les garçons restent des enfants, quelque part. Ils n’ont pas de hanches qui se dessinent, de seins qui s’arrondissent. Ils n’ont pas besoin d’avoir mal, pas besoin de porter leurs enfants, juste le droit de leur raconter des histoires.
Ils n’ont pas autant les joues qui rougissent, de tabous et de choses à dissimuler. On leur pardonne d’être maladroits, gauches, ou parfois cruels, puisqu’ils sont nés pour ça. Pour si jamais, pouvoir faire la guerre, pour protéger toutes ces femmes fragiles qui portent le monde, pour savoir être violents là où le cœur des femmes faiblit si souvent.

Mais en fait, il m’importe peu de raconter la vérité, ou non. Ou de ne voir qu’un côté des choses.
J’aimerais être un garçon parce que j’en ai envie, c’est tout.
Et je n’aurais aimé être fille qu’avec le droit de l’aimer lui.

Mais peut être qu’un jour, je finirais par devenir belle.
Qui sait.

Ecrit par Lisenn, le Jeudi 2 Mars 2006, 00:44 dans la rubrique "After Time".

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Commentaires

Jokeromega

Jokeromega

02-03-06 à 00:55

Beau texte, ça m'a plu. (mais la police aïe maman!)
Bon, tu nous parles des hommes maintenant ? Là que les problèmes commencent. Oui, on est plus lents à la détente que les filles.

PS: maître du monde c'est bien, Dieu c'est mieux ;  Dieu c'est moi.


Re:

Lisenn

Lisenn

02-03-06 à 01:00

Pff, qu'est ce qu'elle a ma police ?
Vue d'ici, elle est parfaite.
Mais bref.
Ravie que ça t'ai plu.

(Dieu, c'est l'Ordinateur. [désolée - réflexe paranoïaque]. Donc Maître du monde, ça reste bien, et envisageable.)


Re: Re:

Jokeromega

Jokeromega

02-03-06 à 01:13

Ha ha!

Elle a de la répartie la petite.

(la police elle nique les yeux sapristi! c'est lézard, arrête ça! elle éberlue!)


Re: Re: Re:

Lisenn

Lisenn

02-03-06 à 01:18

Je ne suis pas petite.
Et je n'ai pas plus de répartie qu'une table basse,
Mais je me débrouille tout de même en écrivant des évidences. ^^

...


Personne

03-03-06 à 10:56

Il semble que j'ai raté l'existence de ce blog... Jusqu'à ce qu'un petit malin vienne chez moi par le biais de cette page.
Je vais donc essayer de rattraper et me mettre à lire, si je suis la bienvenue, bien sur...

Sur ce, à bientôt...


Re:

Lisenn

Lisenn

03-03-06 à 15:55

Sourire...
Vous n'avez peut être pas connu celui là, mais vous avez connu l'autre... [petiteeffacee]
Alors...
Evidemment, que vous êtes la bienvenue.
Et même, ça me fais plaisir, que vous passiez par ici...


Toujours un peu plus...

nouvelami

nouvelami

07-03-06 à 16:16

Superbe texte....
Avant de le lire, j'ai regardé sa longueur... trés long....
Et puis une fois que j'ai commencé sa lecture, il m'a paru si court... Si court et si riche... Ce texte, il me donne envie de te connaitre encore davantage.

Je ressens tes peines, tes craintes, tes ras-le-bols, etc.....
Je ressens tes envies, de sourire, de rire, d'aimer, etc....
Tu es attachante (J'imagine que tu vas sourire en lisant ça ;-) )

Voila! J'aime toujours te découvrir un peu plus chaque fois.
Merci!

Bises ;-)


Re: Toujours un peu plus...

Lisenn

Lisenn

11-03-06 à 10:40

Merci beaucoup...

(Rires, oui, j'ai souri pour le 'tu es attachante'... Je n'aurais pas imaginé que ça puisse être le ca.)

Merci encore à toi.
Et découvre tant que tu veux, hein. ^^

Bises...


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