Petite note fragile...

--> ...bien trop fragile...

Une note qui s'envole, s'éternise un instant dans l'air oppressant de cette pièce sombre. L'enfant, avec son visage angélique à la fois sage et espiègle, écoute studieusement ce son étrange jusqu'à sa mort, étouffé par l'atmospère tendue qui règne. Et il rit aux éclats, petit soleil rayonnant au milieu de l'ombre. Il veut recommencer, mais, sa petite main fragile suspendue au dessus du clavier noir et blanc, il hésite. Maintenant qu'il a entendu sa voix puissante, ce grand instrument l'effraie un peu.
Il sourit nerveusement, danse d'un pied sur l'autre. Son regard d'obsidienne brille d'un éclat léger. Enfin, il s'enhardit, se dresse sur la pointe des pieds, et pose délicatement ses petits doigts de lutin sur les touches nacrées. Il appuie un peu plus fort, et les notes s'élèvent, discordantes et joyeuses, faisant rayonner d'une lumière nouvelle la pièce aux volets fermés.
Le rire cristallin de l'enfant coure à nouveau le long des murs, sautant de note en note, bondissant sur les quelques rayons de soleil qui ont réussi à franchir la barrière séparant le monde réel de cet endroit. Un instant, le temps semble suspendu. L'enfant est heureux. Il tourbillone avec ses rêves au rythme des perles de musique qui illuminent son monde.
Ses yeux ne sont plus les deux puits sans fond qu'on lui connaît. Une nouvelle étoile les fait sourire. Avec ses boucles blondes et ses petites dents blanches, on dirait vraiment un ange, un de ces chérubins qui sourient la nuit aux planètes, et que l'on dessine les jours de fête. Ses mains fines et pâles se promènent le long des touches, faisant virevollter les astres de son âme. Une croche dans le coeur, une blanche qui tient par la main, l'enfant renaît à la vie. Il à déjà oublié le noir, il ne se rappelle pas ses larmes, il ne se souvient pas des autres. Seul compte l'instant présent, seul compte ce bonheur inopiné auquel il goûte avec avidité. Il en voudrait encore et toujours, de cette lueur au fond de lui qui réchauffe jusqu'à ses petits pieds nus, maigres et crispés par le froid. Il croque sans retenue dans la saveur de cet instant aux sensations nouvelles. Son visage candide et ses yeux limpides inventent l'aube naissante d'une liberté promise.
Sans le savoir, il massacre une ou deux partitions qu'un virtuose à autrefois mis si longtemps à composer. Il défigure, avec l'innocence de son coeur d'enfant, ces lignes et ces clés que d'autres cherchent à apprivoiser. Mais quoi de plus beau, pour cet enfant, que ces quelques notes évadées de la prison où lui reste enfermé?

- Ezechiel! Ne touches pas à ce piano!

Un sifflement dans l'air. Un bruit sourd qui résonne dans toute la maison. L'exclamation d'un hurlement vite réprimé, un cri de souffrance et de surprise dissimulé.
Ezechiel ne pleure pas. Il n'est pas comme les autres enfants de son âge. Il serre les dents. Il a compris qu'il devait résister pour vivre. Il reste là, prostré devant son compagnon magicien, agenouillé devant les fragments de son rêve brisé, un mélange de douleur et de rage au fond du coeur. Du bout des doigts, pour se donner du courage, il effleure l'habit de bois du gand musicien, du faiseur d'espoir. Il fait une promesse à son amie Ré. Un jour, Ezechiel se vengera.

<Dark-ever>
<A tout ce que mon coeur à craché de rosée
A tout ceux dont la mort est la liberté...>

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Myel, j'ai emprunté le prénom à une de tes histoire, il me plaisait bien... Tu m'en voudras pas...

Ecrit par Dark-ever, le Vendredi 19 Novembre 2004, 14:57 dans la rubrique "After Time".

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