... Les Mots Bleus ...
-Moi j'vais faire comme maman, j'vais m'tirer
[Mais t'es bête, on ne dit pas ça à un enfant de cinq ans]
Elle aurait voulu être ailleurs, loin des hurlements de Flo qui déchirent toute la maison. Loin des pleurs de Myriam et Rémi quand il dit que c'est de leur faute et que s'il ne la réparent pas il va les frapper, leur exploser la tête. Elle aurait préféré qu'ils se cachent ailleurs que près d'elle pour lui échapper, parce-que ça perturbe dangeureusement l'équilibre qu'elle essaie de créer au fond d'elle pour survoler tout ça. Elle entend Nathaël essayer vaguement de l'arrêter, mais lui aussi, il a peur de se faire taper. Il n'y aurait qu'Elle, ou bien son père à pouvoir l'arrêter. mais Lui, il est parti on ne sait où, peut-être défouler sa colère sur autre chose ou bien peut-être aussi qu'il s'est sauvé aussi, comme sa mère, elle ne sait pas. Et elle, elle n'a pas envie de se battre, à chaque fois, ça finit mal et c'est de pire en pire. Elle ne voudrait pas qu'aujourd'hui ça aille plus loin...
Elle laisse passer, elle les laisse crier, elle laisse les objets voler à travers les pièces en bas, s'écraser contre les murs et finir en milles morceaux répandus sur le sol.
N'importe quelle personne qui la verrait penserait que ça n'a aucune importance pour elle, mais c'est faux. C'est juste l'image qu'elle veut et arrive à se donner. Elle à l'habitude, elle cache ça au fond d'elle, derrière son mur, ses faux-semblants, jusqu'au moment où ça finira pas déborder. Elle joue quelque notes sur sa guitare, mais l'air s'accorde mal avec les voix qui résonnent, alors elle la repose et inscrit dans l'air des signes qu'elle seule comprend. Elle écrit du bout des doigts le soleil, le vent et le silence pour s'y plonger toute entière. Elle sait que ça ne l'empêchera d'entendre, elle écoute toujours sans faire exprès. Même quand elle ne veut pas, les mots lancés vont se planter dans un coin de sa mémoire et finissent par lui ronger le coeur jusqu'à ce qu'elle accepte de se les rappeler. Mais au moins, ça sera plus facile à supporter...
La porte claque, et même les murs en frémissent. Le silence revient. Elle chante à mi-voix, pour elle seule, une chanson dont elle invente les paroles au fur et à mesure.
Sans moi, sang moi
Un jour je quitterai la Terre
Comme tant d'autres bien avant
Je ne veux pas laisser derrière
Des remords, des tourments
Je veux partir simplement
M'envoler vers le soleil
Sans moi, sourires vermeils
Sang elle, on oubliera
Sans moi, le monde vivra
...
Elle contemple la petite fille sur l'affiche au dessus de son lit.
Elles se regardent, s'apprivoisent.
Elles se ressemblent.
Les mêmes mots imprononçables au fond du regard, le même bleu qui déborde des yeux.
Le jour où elle s'en ira, elle emmènera cette fillette de papier avec elle.
Pour qu'elle vive, elle aussi...
Lisènn...
Ecrit par Lisenn, le Dimanche 12 Juin 2005, 20:30 dans la rubrique "After Time".