... Le temps est un méchant ...
Elle sanglotait, la tête appuyée contre le mur.
Depuis que la nuit était tombée doucement sur la ville et avait recouvert les murs de gris, elle était assise là, dans le froid, et elle pleurait sans pouvoir s'arrêter. Pourtant, elle serrait très fort les yeux pour empêcher les larmes de s'échapper, mais elle s'en moquaient, ces petites perles lisses et rondes, elles s'en allaient quand même courir sur ces joues rougies par le vent, laissant des traces noires là où elles passaient.
Elle n'avait pas voulu ça, non, elle n'avait rien voulu du tout, mais c'était plus fort qu'elle, elle ne pouvait pas résister à la Voix, celle qui résonnait dans sa tête au point de lui faire mal, celle qui hurlait des méchancetés et lui sussurait perfidemment au creux de l'oreille des phrases sur les autres, mais c'était des mensonges, elle le savait, elle n'aurait pas du l'écouter, oui mais la Voix était forte, bien plus forte que son coeur fragile...
Alors elle l'a écouté, elle l'a laissée agir à sa place, et la Voix a tout cassé, elle a brisé son dernier rêve. La petite fille a tout vu, elle était là, mais elle ne pouvait pas bouger, elle ne pouvait pas crier pour les avertir, elle ne réussissait à fermer les yeux, ni même à les détourner pour ne pas regarder, elle est restée plantée là, debout, et elle a tout regardé, du début jusqu'à la fin, avec la Voix qui hurlait de rire au fond d'elle.
Et puis après, quand tout à été fini, elle s'est effondrée par terre, là, contre ce mur, et elle a pleuré comme jamais, ça faisait mal, si mal, et elle avait toujours devant les yeux ce qu'il restait de la scène, juste une vieille poupée de chiffon aux yeux de verre abandonnée par terre, avec son sourire en laine un peu décousu et un bras éventré d'où avaient voleté quelques plumes qui gisaient maintenant à coté.
Elle restait ainsi, incapable d'arracher ses yeux de cette vision cauchemardesque... Non, impossible, un rêve, ce ne pouvait être qu'un rêve, elle allait se réveiller, dans une seconde, une minute, une heure peut-être, mais rien n'était réel, ça n'avait pas de sens, tout ça...
Mais au fond, elle savait, elle savait que si elle ne pouvait pas retenir ses larmes, si personne n'était encore venu la sauver des griffes noires de cette nuit trop sombre, c'était bien parce-que tout était fini. Ce goût étrange dans sa bouche, c'était un goût de sang, bien trop vrai, bien trop amer pour être seulement rêvé.
Mais elle ne voulait pas, elle voulait encore sourire avec les autres et salir ses habits en grimpant dans les arbres pour y construire des cabanes, elle voulait encore connaître le parfum des gâteaux au chocolat dans le four et la chaleur de sa main quand elle y glissait timidement la sienne.
Elle voulait encore rêver d'autres mondes et rencontrer des elfes au milieu de la nuit, encore regarder les étoiles en s'imaginant qu'elles la protègeaient et cacher la lune avec sa main quand elle brillait trop, et puis écarter un peu les doigts pour la revoir...
Elle ne voulait pas réfléchir, pas laisser toutes ces pensées acides noircir son coeur, elle aurait voulu fermer les yeux et cacher sa tête dans ses mains pour ne plus rien voir, se cogner la tête contre le mur trop froid pour tout oublier...
Mais elle ne pouvait, elle avait beau essayer, elle n'y arrivait pas. Alors, lentement, elle a tendu la main vers la poupée de tissu juste devant elle, juste pour la serrer contre son coeur encore une fois et redevenir un instant comme autrefois. Elle a étiré ses doigts, a frôlé le petit corps de chiffon, mais dès qu'elle l'a touché, elle à retiré vivement sa main, comme si l'enfant l'avait brûlée. Elle a serré les doigts, étonnée, et puis ses larmes ont redoublées d'intensité, et son petit corps frêle appuyé contre le mur tressaillait en silence sous l'assaut des sanglots.
Ses doigts posés juste une seconde sur la poupée y avaient laissé des traits rouge vif...
Elle a regardé une dernière fois, et puis elle a fermé les yeux, brisée. Et puis, juste avant que tout ne devienne noir, elle a entrouvert les lèvres et murmuré quelque chose que le vent glacé qui courait les rues s'est empressé d'étouffer contre les murs sombres et les portes fermées de ce monde trop silencieux...
- Mais moi, j'voulais pas grandir...
Ecrit par Dark-ever, le Samedi 19 Février 2005, 17:07 dans la rubrique "After Time".
Commentaires
Eurydice
19-02-05 à 17:18
Encore une histoire magnifique......
Bisouxxx
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Re:
Dark-ever
19-02-05 à 17:19
Merci... :)
Bisous
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AEndorwa
20-02-05 à 19:47
tout simplement sublime
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Re:
Dark-ever
20-02-05 à 19:51
Merci beaucoup :)
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