... Dérive et Sourire ...
[Pour ceux qui connaissent mon autre joueb, alors oui, c'est le même texte... Mais j'avais envie de le mettre ici...]
"Des fleuves tachés s'élèvent au ras du sol
Des peintures sous la peau, des symboles"
De l'encre noire plein les doigts, plein les joues, plein partout. Elle tire la langue aux étoiles qui brillent trop, elles n'ont pas compris, ces inconscientes, que ce soir la lumière devrait être voilée par le chagrin...
"Se révèlent à la lune sous sa lueur foetale
Et diffusent en silence les rayons qui dévoilent"
La lune est ronde, trop ronde, c'est trop parfait. Perplexe, elle en détourne les yeux et puis observe les arbres silencieux découper des silhouettes noires dans la nuit. Elle plaque ses mains contre la vitre et elle y laisse des empreintes à l'encre de chine, ça lui donne un début de sourire, quelque chose comme une petite accalmie dans l'orage, et elle dessine des étoiles plein partout sur le verre, ça coule et ça fait des tâches par terre, mais ça, c'est pas grave, elle les cachera sous le tapis.
"Les danseuses filiformes qui s'évanouissent au vent
Et se moquent de nous jusqu'à s'en mordre les dents
Jusqu'à s'en mordre les dents..."
Elle, elle mord ses lèvres, pour ne pas laisser s'échapper les mots, le vent les emmènerai, il vaut mieux les garder pour plus tard. Elle grimpe par la fenêtre, s'accroche aux poutres et escalade le toit un peu raide. Elle s'assoit sur les tuiles ocres, elle les caresse du bout des doigts, et elle frissonne parce-que c'est tout rêche. Elle prend son air sérieux pour regarder le paysage endormi, elle pose un doigt sur ses lèvres et elle intime à la rivière de cesser sa chanson nocturne pour ne pas réveiller la lune et les petits elfes qui l'habitent, mais l'eau ne l'écoute pas, alors elle prend son air faché, les poingts sur les hanches, elle mime son père quand il lui crie dessus. Elle fait ses gros yeux, et la rivière, timide, chante une mélodie toute douce, un joli murmure. Elle sourit, satisfaite. Ainsi ses amis célestes rejoindront le monde des rêves sans aucune peine.
En face, sur l'autre toit où se découpe la sinistre cheminée, le chat noir balance lentement sa queue et plonge ses yeux lumineux dans ceux de la fillette. Ils se regardent avec intensité, et puis le compagnon de la sorcière saute d'une bâtisse à l'autre et vient se blottir entre les bras d'enfant. Elle approche sa bouche timide de l'oreille du petit animal et lui chuchote quelque chose que lui seul peut entendre...
"Sad day, sad day
Laissez les civières
Sad day, sad day
Flotter sur nos rivières"
Elle lui raconte son histoire. Au fur et à mesure qu'elle murmure, les sanglots la reprennent et les larmes viennent se mêler à l'encre noire sur les joues, tout se mélange, dans l'obscurité, et ni le chat ni la fillette n'y prennent garde. Le gentil félin écoute attentivement, il secoue les moustaches, compréhensif, et puis il se serre un peu plus contre elle pour ne pas que le froid la ravisse. Il voudrait la consoler, mais lui il sait qu'il est presque impuissant. Il lui prête son oreille, c'est tout ce qu'il peut faire, mais il comprend dans sa voix entrecoupée de sanglots que c'est à un humain qu'elle aurait voulu confier son coeur écorché. Elle lui dit aussi qu'elle a peur d'avoir peut-être blessé ses amis, mais qu'elle ne sait pas leur parler, elle n'a jamais réussi à leur dire qu'elle aussi était là pour eux. Ses yeux brillants de larmes sont emplis de désarroi...
"Nos visages entiers se tournent vers l'exil
Et nos bras qui s'étirent jusqu'à frôler les cimes
On rêve sans trêve et en laissant couler
Dans nos veines le sang libre de nomades oubliés
Tu la sens la tempête qui dans nos têtes s'achève
Les paupières du cyclone qui lentement se ferment
On se rappelle juste pour oublier
S'aimer un peu en fin d'année"
Alors le chat qu'on dit venu de l'enfer regarde avec tendresse l'enfant, et il lui dit avec les yeux qu'il ira le leur dire, lui. Ne sait-elle donc pas que les chats de sorcière savent voler? Il leur suffit de déployer leurs ailes d'argent pour qu'il puissent même aller décrocher des poussières d'étoiles et déposer sur la joue ronde et douce de la lune les baisers des enfants abandonnés qui n'ont pas d'autres mère. Elle, en retour, leur envoie ses rayons les plus soyeux et les plus beaux pour remettre en leurs coeurs un peu de perles d'espoir. Dame lune envoie un sourire à la fillette tremblante, et Dame nuit l'enveloppe d'un doux et chaud mantaux de nuit, imprime sur ses paupières fragiles les signes magiques qu monde des rêves, et l'enfant s'abandonne peu à peu. Juste avant qu'elle ne s'en aille parmis les fleurs dorées, son compagnon lui souffle gentiment qu'il volera le plus vite qu'il pourra, et que demain il sera là...
"Sad day, sad day
Sortez les civières
Sad day, sad day
Qu'elles prennent la mer
Sad day, sad day
Et puisqu'on est la sève
Sad day, sad day
A nous de tout refaire"
Demain, elle refera le monde avec toutes les couleurs et des étoiles d'argent sur les nuages orageux pour qu'ils perdent leur colère et pleurent des perles nacrées au gout sucré...
Demain, peut-être, elle pourra effacer du bout du pinceau d'arc-en-ciel les larmes à l'encre noire et le parfum du chagrin. Demain, oui, peut-être que le coeur naufragé sera recueilli par un sourire, un sourire plus beau que tout le reste du monde, si magique et si majestueux puisse t'il être...
Demain... [Pardon]
[Je vous aime]
Peut-être que demain, rien n'aura changé, mais on ne sait jamais, peut-être [peut-être est trop beau pour y ajouter un fin]...
[...] [Dérive et souris...]
Ecrit par Lisenn, le Samedi 26 Mars 2005, 21:36 dans la rubrique "After Time".