... Gris ...
[Désolé pour cet article... J'allais pas vraiment bien...]
Moi aussi, je ne suis qu'une ombre parmi 6 milliards... Pourtant, j'avais esperé être autre chose... Mais non...
Je n'ai rien d'autre à dire... Le vent emporte mes paroles, mes larmes et mon coeur loin, là bas, là où il n'y a rien...
L'enfant attend, les poingts serrés au fond des poches, assis sur le muret au bord de la route. Il attend quelque chose qui ne viendra pas.
Autour de lui, il n'y a que du gris, du noir, et puis du blanc délavé, sinistre. Rien d'autre.
La route sinueuse devant lui est noire, mangée par le béton, et puis en face, il n'y a qu'un mur gris avec un peu de mousse.
Tout est humide, triste. La pluie vient de partir, mais elle a encore effacé le soleil sur les pierres et la marelle par terre. L'enfant ne les refera plus. Il a usé ses dernières craies à mettre des couleurs ici, mais les gouttes d'eau ont encore tout emporté. Les arbres sont noirs et blancs, ils sont secs, cassés, ils agitent leurs silhouettes décharnées mais ils ne ressemblent plus qu'à des épouventails tous gris, qui ne font même pas peur aux oiseaux parce-que ça fait longtemps qu'il n'y a plus d'oiseaux ici. C'est un monde grisâtre, au silence lourd troublé seulement par les quelques rares voitures qui passent un peu plus bas et s'enfuient au plus vite de cet endroit glacial. Des bouts de tôle aux roues noires qui crâchent leur fumée âcre. Elle est grise, elle aussi.
Les fleurs aussi n'ont plus de couleur, d'ailleurs, ce ne sont même plus des fleurs, juste des bouts de tissu, des chiffons salis par la terre noire qui a déteint.
Même les habitants de cet endroit sont gris. Ils passent, ils marchent vite, ils essaient de fuir, eux aussi, mais ils sont prisonniers, ce monde a déteint sur eux, ils lui appartiennent maintenant. Ils ont des visages pâles, livides, des vestes noires froissées et des chaussures cirées qu'ils salissent dans la boue, des habits sombres qu'ils âbiment en rasant les murs et déchirent sur les ronces et les épines noires qui ont poussé dans toutes les fissures et envahi les vieux jardins, tous abandonnés. Le paysage est comme recouvert de cendres, pourtant, il n'a jamais brûlé, non, il est bien trop humide, bien trop roid pour ça. C'est juste un endroit maudit, isolé du reste du monde.
L'enfant le déteste, mais lui aussi, il ne peut pas partir, il a déjà les yeux gris, signe que lui aussi ne s'appartient plus. Alors il attend, assis sur le mur, les yeux sagements fixés sur le béton, il attend qu'on vienne le chercher, c'est le seul moyen pour lui de s'enfuir. Il se fondrait presque dans le paysage, avec ses habits gris trop grands pour lui, son visage pâle d'enfant qui n'a jamais vu le soleil et ses cheveux noirs en bataille. Il ressemble à ces statues de pierre cassées que l'on trouva ça et là si on quitte la route goudronnée.
L'enfant est triste, mais il ne pleure pas, ça ne ferait que décolorer un peu plus ses joues déjà couleur de neige, parce qu'ici, les larmes sont acides, elles sont noires comme de l'encre et elles laissent des traces sombres sur les joues qu'elles blanchissent.
L'enfant n'y croît plus. Personne ne viendra le chercher. Ils n'ont pas du oser, il est trop noir, trop dangeureux, ce monde, et puis trop laid, alors personne ne s'y aventure par mégarde. L'enfant a compris qu'il ne pourrait jamais partir, jamais voir des visages autres que gris et minés, creusés par la tristesse et le désespoir.
Il est condamné à regarder le gris toute sa vie. Pourtant, il croyait sincèrement que si il les appelait assez fort dans son coeur, ils viendraient le chercher. Mais non. Alors il se lève, la rage au fond des yeux, il prend dans ses petites mains blanches des poignées de cailloux et puis il les jette contre le mur, de toutes ses maigres forces, il lance les pierres unes par une, de plus en plus haut, de plus en plus fort, elles pleuvent sur la route, rebondissent contre le mur et écrasent les sinistres fleurs noires.
La dernière pierre, il la garde un moment au creux de sa paume, il regarde toutes les facettes du caillou noir qui brille un peu. Quand il était petit, il les appelait des "morceaux de lune", mais la lune a disparu, maintenant, emportant avec elle ses filles les étoiles et le soleil son frère. Il n'y a plus qu'une lumière blanche et fanée, un néon à l'agonie qui se faufile à grand peine entre le plafond opaque de nuages orageux qui a éteind le ciel depuis longtemps déjà.
Mais la pierre brûle l'enfant, alors il la cogne contre sa tête, le plus fort possible, et puis il tombe à genoux, vaincu par cette douleur bien plus forte que celle qui le réveille chaque matin, augmente chaque minute et possède tous les habitants de ce monde à l'agonie.
L'enfant passe sa main sur son front, et puis il regarde ses doigts, étonné. Ils sont tous rouges...
Et l'enfant laisse les larmes déborder de son coeur, il s'allonge sur le sol de pierre humide et il laisse le froid le saisir et l'étreindre, jusqu'à ce que ses yeux se ferment...
Il n'était qu'une poussière parmi des milliards de gens...
Il n'était rien, finalement...
[...]
Ecrit par Lisenn, le Vendredi 25 Mars 2005, 09:09 dans la rubrique "After Time".
Commentaires
Lissadell
25-03-05 à 20:14
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Re:
Dark-ever
25-03-05 à 20:31
Merci beaucoup...
Bises
[Dark...] [qui n'a rien d'autre à ajouter non plus]
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AEndorwa
25-03-05 à 20:17
je crois que SOS est le cri qui convient "Save Our Soul"
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Re:
Dark-ever
25-03-05 à 20:32
Effectivement, je crois qu'il convient parfaitement...
Bisous
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Si tu as le temps de lire ...
vivacia
26-03-05 à 10:53
La petite vague qui avait le mal de mer ... de Renaud je crois. C'est ... beau ? .
Il était une fois une petite vague perdue au milieu de l'océan, une petite vague de rien du tout, quelques centimètres de haut, à peine plus large, une petite vague insignifiante et anonyme, ressemblant comme une goutte d'eau aux millions de petites vagues voyageant sur les mers depuis des millions d'années au gré des vents et des marées.
Mais, vous vous en doutez, si je vous raconte ici son histoire, c'est qu'elle était différente de ses petites sœurs. Pas physiquement, non, mais dans son petit cœur de petite vague, cette petite vague avait bien du vague à l'âme. Son papa et sa
maman étaient deux grosses vagues énormes et rugissantes, deux magnifiques déferlantes qui s'étaient croisées une nuit de tempête, l'abandonnant aussitôt née à son destin de vaguelette, orpheline et désemparée.
Son père avait été plus tard emporté dans un ouragan, s'était accroché à un cyclone et, dans un tonnerre d'écume et de vent, était parti ravager les terres les plus proches d'où il n'était jamais revenu.
Sa mère, poussée par un vent du nord, connut une fin tout aussi aventureuse mais bien plus sympathique. Les courants marins la portèrent jusqu'aux côtes d'un pays si chaud qu'elle s'évapora, monta au ciel en millions de gouttes d'eau et, après avoir voyagé dans un gros nuage lourd, retomba en pluie sur des terres arides où, la vie, absente par manque d'eau, revint bientôt. Depuis des siècles qu'elle ondoyait à la surface de l'eau, avec pour seule compagnie l'écume et le vent, avec pour seul horizon l'horizon, pour seul spectacle celui du jour se levant et du soleil couchant, la petite vague s'ennuyait à mourir et ne supportait plus de vivre au milieu de l'océan. Bref, la petite vague avait le mal de mer.Elle avait bien eu parfois, des années auparavant, la visite de quelques baleines venues percer la surface de l'eau, dans un grand geyser d'écume et des milliards de gouttes d'eau s'éparpillant dans le ciel comme une pluie de diamants, mais les baleines chassées par les hommes avaient bientôt disparu elles aussi. Sa vie s'écoulait monotone. Au fil des jours de calme plat ou des nuits de tempête, la petite vague attendait vaguement, sans trop y croire, un miracle météorologique qui l'emporterait vers d'autres cieux. Elle redoutait par-dessus tout ces nuits de pleine lune où l'océan devient lisse comme un miroir, où même le vent ne chante plus, où les vagues petites et grosses s'aplatissent jusqu'à se confondre en une immense étendue d'eau infinie, immobile etsans vie.Elle n'aimait pas non plus la houle qui la faisait rouler, craignait les ouragans qui la malmenaient et se méfiait des mers démontées ou hachées qui risquaient de la séparer de ses amies, les petites vagues insouciantes qui l'accompagnaient, insensibles, elles, au vague à l'âme et au mal de mer.
La petite vague n'avait jamais vu un bateau.La petite vague n'avait jamais vu un baigneur, ni le moindre pédalo, jamais vu le bord de l'eau.La petite vague en avait par-dessus la crête de passer sa vie à faire des vagues, la petite vague écumait de rage de n'avoir jamais vu la plage.Elle rêvait qu'un vent malin viendrait un jour la conduire sur le sable doré d'une plage ensoleillée.
Ah, enfin pouvoir rouler, chanter, rebondir et me briser sur les galets, songeait-elle, venir chatouiller les doigts de pieds des enfants, entendre leurs cris à mon approche, aller, venir, descendre et remonter, m'éparpiller au milieu des coquillages, des algues et des petits poissons argentés, me reformer en grondant pour de rire, en faisant semblant d'attaquer, et repartir en emportant un ballon oublié, et puis le ramener dans un tourbillon de mousse et d'eau salée.
La petite vague pensait aux vacances qu'elle ne connaitrait jamais. Lorsqu'une grosse vague, à quelques brasses d'elle, cria "Terre à l'horizon !".La petite vague n'en crut pas ses oreilles.
Elle se précipita vers sa grande sœur, se hissa sur son dos et distingua vaguement
à l'horizon la ligne sombre d'une terre inconnue. Elle recommença l'opération une
deuxième fois, puis une troisième. À chaque fois, un élément nouveau lui apparut. Une ville, un port, une plage. Les courants maintenant la tiraient vers la côte, la charriaient comme un fétu de paille poussé par le vent. Elle sentit bientôt son eau se réchauffer et l'air marin se charger des odeurs de la terre.Pour la première fois de sa vie la petite vague respira le parfum des forêts, des villes et des campagnes, des
animaux et des hommes. Elle en fut d'abord émerveillée, puis l'émerveillement fit place à l'étonnement, enfin à la déception. Les odeurs nauséabondes de gaz carbonique qu'elle découvrait lui rappelaient étrangement celles des nappes de pétrole qu'elle avait parfois croisées dans sa longue vie de petite vague au milieu de l'océan.Et comme elle pensait à cela, déterminée malgré tout à atteindre cette plage dont elle rêvait depuis si longtemps, elle rencontra une de ces nappes de pétrole dérivant au fil de l'eau, au gré des courants, et s'y englua. Elle réussit à s'en chapper après bien des efforts, aidée par un courant ami qui l'emmena bientôt presque au bord de la plage. Des enfants s'y amusaient. Des adultes allongés, immobiles, semblaient y dormir, insouciants du soleil qui leur brûlait la peau. Des chiens couraient, des mères criaient après leurs enfants, des papas après maman, des adolescents faisaient hurler leurs transistors et des baraques à frites enfumaient le tout d'une odeur d'huile chaude qui se mêlait à celle dont les corps étaient enduits. La petite vague ralentit son avance.
Elle rencontra bientôt une eau saumâtre, mais personne ne lui dit qu'il s'agissait des
égouts de la ville qui se déversaient là. Elle croisa quelques bouteilles en plastique,
des sacs poubelle, des détritus de toutes sortes, fut presque coupée en deux par un gros monsieur rougeaud hissé sur une planche à voile, avant de s'échouer enfin au bout de son voyage, au bout de son rêve, sur le sable grisâtre de la plage au milieu des tessons de bouteille, des capsules de bière et des châteaux écroulés des enfants
agités. Jamais le vague à l'âme de la petite vague n'avait été si grand. Elle ne
s'attarda guère sous les pieds palmés. Quelques aller retour à brasser les ordures et
elle s'en fut dans le sillage d'un bateau à moteur qui frôlait les baigneurs, rejoindre
le grand large qu'elle regrettait déjà d'avoir quitté.Alors qu'elle longeait la côte,
suivie de près par quelques amies vaguelettes aussi déçues qu'elle par la
fréquentation des humains, elle entendit, venant de la terre, des petits cris stridents,
à peine perceptibles, presque des sifflements. Ils n'avaient rien de commun avec les cris des enfants braillards de la plage. La petite vague avait déjà entendu ces cris quelques années auparavant, peut-être quelques siècles. Un jour que des dauphins étaient venus la frôler, courir sous elle, jouant dans son écume, brisant sa crête de leurs ailerons
pointus.
Comment les cris d'un dauphin pouvaient-ils venir de terre ?
La petite vague se dirigea de nouveau vers la côte, guidée par les sifflements, comme un navire perdu dans la nuit est guidé par la lueur du phare.Derrière une digue se dressaient les hauts murs d'un Marineland. La petite vague ignorait qu'on enfermait des orques et des dauphins dans des bassins pour le plaisir des petits terriens. Mais il ne fut pas nécessaire de lui faire un dessin: elle comprit vite que des créatures marines étaient prisonnières ici.
A l'instant où, provenant distinctement de derrière ces murs, les sifflements reprirent, elle vit bondir en l'air un magnifique dauphin gris argenté qui, après avoir semblé s'immobiliser une fraction de seconde dans le ciel, retomba dans un grand
"splatch" dans son bassin-prison. Un tonnerre d'applaudissements accompagna la pirouette.
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Re: Si tu as le temps de lire ...
Dark-ever
26-03-05 à 11:32
J'aime bien, en tous cas...
Merci...
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