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Et mourir en hiver.

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Souris, petite fée...

Des p'tits doigts engourdis par le froid qui courent, courent, pour essayer de rattrapper le temps qui fuit là bas devant...

***

Dans un silence oppressant ou ne perce que le murmure de sa respiration, elle contemple sa main, ses doigts fragiles aux demi-teintes mauves à cause du froid, et dans dans un tout petit coin, bien cachée sous la manche trop longue, une petite cicatrice, toute petite, presque invisible, oui, elle se rappelle, c'était...
Non, elle ne se souviens pas, cette marque appartient à un passé révolu, l'ancien temps d'une autre petite fille, une pareille, comme elle, mais différente. Elle ne veut pas réveiller ses souvenirs, et puis elle n'en a pas besoin. Elle est bien là, comme elle est, pas envie de tout bouleverser.
La peau est toute douce, toute lisse, presque transparente. Avec de fines arabesques qui dansent dessus pour prouver qu'elle n'appartient pas à une poupée de porcelaine ou un jouet en plastique. Une vraie peau, bien vivante, qui frémit à la caresse du vent qui s'engouffre par les brèches ouvertes dans les murs et frissonne sous le baiser glacé du maître de l'hiver aux longs manteau poudré de cristal.
Elle se recroqueville dans un petit coin qui tient encore debout, ramène ses genoux contre sa poitrine et les serre contre elle. Si elle avait des allumettes, elle ferait brûler ce qu'il reste de la cabane de bois branlante où elle s'est réfugiée pour se réchauffer un peu. Mais elle a beau fouiller ses poches, elle n'a rien qu'une vieille photographie à moitié déchirée et le lot de souvenirs qui s'y rattachent, rien d'autre.
Par les trous béants du vieux mur en bois, elle voit la tempête qui se déchaîne, les arbres qui courbent l'échine sous les assauts du vent, la neige qui tourbillonne avec violence et qui giffle tout sur son passage.
Elle passe sa main sur sa joue rouge et glacée. Oui, cette morsure des flocons sur son visage, elle la sent encore, ça pique, ça brûle, mais ça ne réchauffe pas.
Elle a beau être complètement perdue, avec pour seuls compagnons une triste solitude et un sombre avenir, elle se sent bien ici. Dans cette cabane à moitié démolie qui la protège de la furieuse colère hivernale, dans cet abri qui n'en est pas vraiment un, il règne une paix incomparable.
Elle à beau être complètement frigorifiée, emmitouflée tant bien que mal dans sa maigre chemise, elle ne peux s'empêcher d'apprécier l'atmosphère magique qui éveille ce lieu, elle croit presque entendre un chant majestueux et envoutânt qui pointe à peine à travers les plaintes mugissantes du dehors, elle distingue de gracieuses silhouettes qui se dessinent dans les flocons qui dansent.
Elles les voit, ils arrivent, ils viennent la chercher. Enfin.
Oui, ce sont bien eux, elle sent la chaleur de leur amour universel qui déjà la réchauffe...
Est-ce qu'ils la verront? Elle espère...

* Elle se désintéresse de ses semblables. Ils sont si écoeurrants, à suivre toujours le même modèle juste pour paraître, si injustes, avec leurs âmes de meurtriers qui ne savent que juger et tuer, si absents, toujours pressés, toujours aveugles, incapables d'aimer vraiment. Tout, ils ont tout rendu noir, avec leurs sales armes de fer qui crâchent fumée et destruction. Tout, ils ont tout effacé, tous ces instants qui la rendait heureuse, toutes ces choses qui la faisait sourire. Tout, ils ont tout gâché. *

Mais pourquoi, pourquoi a-t'elle pensé à ça en cet instant? Elle ne voulait pas se rappeler toutes ces erreurs passées, maintenant elle sait ce qu'elle fait là, maintenant elle se souvient du nom de l'autre petite fille, maintenant elle comprend pourquoi la photo dans sa poche qu'elle ne veut plus ragarder est à moitié déchirée.
Pourquoi, au lieu de sourire devant son rêve qui arrivait, elle a brisé l'enchantement qui la liait à la nature?
Une petite perle, vibrante de désolation, escalade l'oeil au reflet bleu-gris, et se laisse glisser le long de la joue écarlate qui pâlit à vue d'oeil.
Une, puis deux, puis dix. Puis une rivière qui inonde le regard et assèche le coeur.
Mais pourquoi?
Pourquoi?
Petite morveuse assise dans un chalet qui ne tient plus debout, que fais tu ici au lieu d'être au chaud chez toi?
Chez elle? Elle n'en a pas. Chez elle, c'était sur le chemin, dans sa maison à quatres roues, avant qu'on ne l'oublie là bas, sur sa route, à l'endroit même où on l'avait trouvée. On rend et on détruit tout ce que la nature offre.
Jamais ils ne sauront que la petite fille moitié elfe qu'ils ont abandonnée faisait fleurir le ciel et chanter toutes les fleurs.
Jamais ils ne comprendront la beauté de ce qu'ils ont laissé.
Ils ont préféré la haine à l'innocence.
Pardon maman. J'ai échoué dans cette tâche que tu m'avais confiée, je n'ai pas réussi à changer le coeur des hommes...
Elle n'est plus que petite fille désemparée, elle n'a plus rien maintenant, la fureur des hommes vient de tuer la dernière nymphe, il ne reste que l'enfant seule. Elle voudrait une épaule pour pleurer, mais déjà ses larmes gèlent face au dur froid qui s'acharne contre elle maintenant qu'elle n'a plus de pouvoir.
Pardon maman. Je n'ai pas su être digne de toi.
S'il te plaît, comprend moi, comprenez moi. Je ne suis qu'une petite fille, une petite fille qui devient folle...

De nouveau, elle fixe son regard sur sa main. Cette main à la fine peau bleutée, aux intonations flûtées, tout comme celles de sa voix pure.
Petite, minuscule main face au monde entier.
Elle baisse la tête, la cache entre ses mains, son corps se raidit, elle ne lutte même plus contre le froid qui l'envahit.

Et pourtant, et pourtant... Et si tu n'était pas fini?
La nuit se lève.
La lune sourit.
Les étoiles s'illuminent.

Elle est toujours en même endroit, petite forme secouée de sanglots silencieux dans l'ombre d'une maison de bois démolie.
Et puis soudain, en un instant, le vent s'éteint, la neige retombe doucement, la furie s'est calmée.
Dans le silence profond qui veille majestueusement maintenant, un bruit de pas fait presque imperceptiblement crisser la neige engourdie.
Un pas léger, dissonant. Presque joyeux.
Le reste du plancher recouvert de givre grince, mais à peine, juste pour être entendu.
Elle ne relève pas la tête, ce n'est sûrement qu'un courant d'air.
Et puis elle sent des doigts qui relèvent sa tête, et la douce chaleur qui en irradie.
Et derrière la buée d'une respiration, derrière la barrière de ses paupières closes qu'elle se ne se résigne pas à ouvrir.
D'abord une note, un chuchotement dans l'air glacé. Puis la musique s'élève à nouveau, forte et sincère, poignante et apaisante.
Elle tend la main, saisit les doigts souples du voyageur, et se relève.
En un instant, elle retrouve sa fierté et son courage, elle retrouve la force de se battre contre la cruauté qui possède le coeur des hommes.
Sa main dans celle de Morphée, le sonneur de rêves, elle reprend son chemin...

Tant qu'un enfant encore innocent rêvera et la sauvera, alors elle sauvera le monde et ses rêves...

Souris petite fée, ton temps est loin d'être fini...

***

Des p'tits doigts fatigués, mais toujours froids, qui s'arrêtent enfin et contemplent leur travail en essayant de ne pas trop le détester...

***

[Dark-ever]

Ecrit par Dark-ever, le Mardi 21 Décembre 2004, 21:17 dans la rubrique "After Time".

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