Et mourir en hiver.

Le souffle azur...

--> pour Venaline, parce qu'elle n'aime pas quand j'écris des histoires tristes...

Une seule autre fois, j'ai vu sur ces mêmes arbres passer le vent bleu, vent de la renaissance qui apaise les coeurs noirs et tarit les sources d'eau salée dans les yeux des enfants. C'est le souffle léger de l'elfe, qui, dérangé dans son sommeil par les cris d'un enfant, s'éveille gracieusement.

Il est le dernier elfe, le gardien des rêves. Autrefois, je l'avais rencontré. Je n'étais qu'une petite fille, et je m'étais assise sur la plus haute branche du cerisier aux pétales immaculées. Mes yeux clairs admiraient les étoiles, et leur beauté céleste faisait sourire mon coeur d'une pensée délicate. La douce lueur lunaire baignait les alantours d'une pâleur irréelle, magie opalescente des instants volés au temps.
Tout était si parfait qui je m'étais sentie intruse, si impuissante à créer de mes propres mains d'enfant un tel éphémère, si paisible et si doux...J'étais si petite, perchée sur mon arbre, si misérable, vêtue de ma blouse rêche et grise, avec mes cheveux emmêlés par les doigts joueurs du vent capricieux qui hante les journées de printemps. Dans mon déséspoir enfantin, je m'étais mise à pleurer. Alors s'était levé le vent bleu, léger souffle azur qui berçait doucement les branches de mon cerisier. Il avait délicatement soulevé quelques fleurs fânées au pied de l'arbre, et les avait fait voleter jusqu'à moi. Lorsqu'elle s'étaient déposées dans mes petites mains sales et écorchées, les fleurs avaient  repris vie. Elles n'avaient jamais été aussi belle. Une lumière diffuse les auréolait d'un éclat pur et nouveau qui m'émerveillait et faisait peu à peu disparaître la rosée de mes yeux.

Lorsque j'ai enfin relevé la tête et repoussé en arrière les mèches indisciplinées qui virevoltaient devant mes yeux, j'ai vu quelque chose devant moi. C'était un être diaphane, debout non loin de là. De sa silhouette gracieuse et aérienne émanait une présence sage et poétique, qui emplissait l'air d'une paix impossible à décrire, si magnifique et si intense que le temps paraissait s'être arrêté. On aurait que tout, des étoiles à la terre, s'était mis à scintiller autour de lui. Il s'est approché de mon refuge, d'une manière si souple et silencieuse qu'on aurait dit qu'il volait. Il ne disait rien. Il me regardait simplement, de son regard d'obsidienne noir et mystérieux, mais d'une pureté limpide, et un immense bien-être m'envahissait. Comme s'il aspirait d'une simple caresse de ses yeux toutes mes peines et mes tristesses, toute ma haine et ma douleur. Et j'ai lu dans ces yeux cristallins qu'il portait en lui toute la sagesse et l'étrangeté de l'univers. J'ai vu tant de chose que je serais bien incapable de tout me rappeler, mais ce qui m'a profondément marqué, c'est d'avoir compris que s'il disparaissait, alors les planètes s'arrêteraient de tourner, et tout disparaitrait avec lui. Mais j'ai su aussi que , tant que la beauté qu'il créait pour les hommes avait une part d'importance pour certains d'entres eux, tant que les enfants resteraient des âmes pures et innocentes, alors il ne lui arriverait rien, et il continuerait à façonner les rêves.

L'elfe était comme rayonnanat d'une lumière intérieure. Sur ses lèvres fines de cristal, je croyais même voir se dessiner un léger sourire. Des ses doigts transparents, agiles et gracieux, il a effleuré ma joue encore humide, et j'ai su qu'il veillerait toujours sur moi, que j'avais déjà une place dans son coeur, car il est doté d'une infinie générosité, d'une extrême bonté, d'une âme faite d'or pur qui fait que chaque personne qu'il croise possède un fragment de son coeur, et qu'il ne l'oublie jamais, qu'il l'aime pour le restant de la vie.

Puis il a disparu, avalé par le néant de la nuit noire illuminée seulement par quelques rayons de lune. Mais le pysage est resté scintillant, comme si l'elfe avait voulu me faire encore un cadeau, et je sens encore le contact frais et doux de sa main sur ma joue, et mon coeur continue de sourire.

Aujourd'hui, le vent bleu agite à nouveau les branches du cerisier. C'est qu'un autre enfant l'a appelé. Mais je sais qu'il ne m'a pas oublié, car je vois son visage qui me sourie à travers les tourbillons de fleurs soulevées par son souffle. Mon coeur est toujours en paix. La nuit est toujours aussi belle. Le songe qu'il n'a jamais cessé d'offrir à mes yeux est toujours magnifique.
Dans ma main, je tiens une fleur. Une fleur blanche. Une fleur de cerisier. Depuis des années, elle veile à mes côtés sans jamais s'étioler. Nous attendons son passage. Je sais qu'il va venir. Parce que j'ai quelque chose à lui dire. Parce que dans ces mêmes arbres, je vois passer le vent bleu...

<Dark-ever>
<Pour Venaline, mais aussi pour un certain petit garçon, pour un ange qui éclaire mon monde, et pour une autre enfant...>

Ecrit par Dark-ever, le Vendredi 26 Novembre 2004, 20:13 dans la rubrique "After Time".

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