.¤* Something is sleeping away *¤.
Dans le ciel bleu on croirait voir déferler des vagues avec leur crête d'écume légère. Une douce brise agite faiblement les feuilles des arbres et les bourgeons naissants. A perte de vue s'étalent des champs verdoyants dans lesquels explosent les petites tâches rouges des fragiles coquelicots.
Elle s'est allongée dans l'herbe et elle a fermé les yeux. Au creux de ses oreiles, il lui semble encore entendre les mêmes voix d'enfant qu'autrefois, les mêmes rires dans le cerisier qui abandonne ses fleurs au vent.
Le soleil réchauffe doucement ses mains glacées et efface peu à peu les dernières gouttes de rosée qui ont mouillé ses habits.
Elle sourit dans le vague, sans raison, juste parce qu'être ici suffit à son bonheur.
Un jour, on lui a demandé quel était son premier souvenir. Comme elle ne savait pas, elle a raconté, inventé une histoire à partir d'une des photos de l'album caché sous son lit. Oh, bien sur, ce n'était pas vraiment un mensonge, elle n'a fait que tisser un peu autour de la vérité, mais ce n'était pas un souvenir.
Aujourd'hui, elle le sait, elle peut le dire maintenant.
Elle avait deux ans 1/2, deux grands yeux bleux qui lui mangeait la moitié du visage et des boucles brunes jusqu'en bas du dos. Un sourire à faire fondre le soleil et des larmes trop faciles. On l'avait assise à l'avant d'un grand camion, à côté de sa mère qui tenait son petite frère sur ses genoux. Elle avait dormi pendant presque tout le voyage, et elle se frottait encore les yeux quand ils avaient ralenti pour prendre un virage. Quelqu'un avait tendu le bras et désigné d'un geste une maison de pierres grises avec un grand jardin entouré d'un vieux grillage sur lequel s'enroulaient des dizaines de roses. Parmi elles, il y en avait une jaune, qui semblait perdue entre toutes les rouges. Et quelques blanches, quelques roses aussi. Et des rangées de mûres tout au fond.
-C'est là que tu vas habiter, qu'on lui a dit.
Elle n'avait pas répondu. Elle était d'accord, elle avait tout de suite adopté l'endroit. Qu'importe, si ils dormaient à trois dans la même chambre, si la pluie s'infiltrait par le toit, si l'humidité imprégnait les murs et si l'escalier et sa rambarde menaçaient de s'effondrer, elle avait baptisé cet endroit "chez-moi" et avait gravé son coeur sur le bois de la porte.
Elle sourit, encore. C'était son premier souvenir, sa naissance, si on veut. L'émerveillement de tout un temps.
Elle ne veut pas se rappeler la suite. Après, ça grisaille, les couleurs s'effacent et laissent place à l'orage qui à défait sa vie. Après, c'est différent. Elle préfère vivre le passé au présent, et passer ensuite au futur sans y penser.
Il est temps de partir, mais le sourire ne quitte pas ses lèvres, même si quelques larmes parlent au coin de ses yeux.
Ce fut dur de revenir, mais maintenant qu'elle est là, elle voudrait ne plus partir. tant pis. Elle a un avenir à inventer, des gens à aimer, des vies à croiser, et puis, elle le sait, c'est marqué à l'encre indélébile tout au fond d'elle, elle reviendra...
Elle cueille un coquelicot, l'accroche à ses cheveux qui ont grandi depuis, jolie fleur rouge au coin des yeux toujours aussi bleus.
Au revoir, mais pas adieu...
Lisènn...
Ecrit par Lisenn, le Dimanche 5 Juin 2005, 14:41 dans la rubrique "After Time".